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Éléa nous a quitté

ELEA REDEL est décédée, à l’âge de 74 ans, des suites d’une polyarthrite rhumatoïde, à l’Institut Vajra Yogini, le 7 janvier 2022.

Eléa Rédel avec Lama Yéshé dans les années 80

Éléa vient de nous quitter après de longues années de souffrances physiques.

Présent à ses côtés pendant ses derniers instants, Géshé Lodèn a aussitôt informé Lama Zopa Rinpoché qui s’empressa de donner instructions pour accompagner Éléa dans son ultime voyage. Allongée sur son lit, Éléa était absorbée en méditation tandis que Géshé-La et Nicolas pratiquaient à son chevet selon les recommandations de Rinpoché. Le secrétaire de Sa Sainteté le Dalaï Lama, qui venait d’être informée, envoya un message pour dire que Chenrézi en personne prenait soin de notre chère amie. Éléa continua sa méditation pendant cinq jours sans laisser apparaître les signes de mort externe.

Née en France en 1947, Éléa avait quitté sa ville natale et son métier de secrétaire pour voyager d’abord en Afrique puis en Asie et en Inde où elle rencontra Lama Yeshe en 1979 à Dharamsala. Rapidement impliquée dans l’organisation de la FPMT, elle y assume de nombreuses fonctions, dont celle de traductrice et fondatrice des Éditions (aujourd’hui « Éditions Mahayana »). En Inde, elle dirige pendant plusieurs années l’une des principales écoles d’interprètes occidentaux spécialisés en tibétain (le Rinchen Zangpo Translator Program)

Ses activités au sein du Dharma étaient très nombreuses et généreuses, Éléa était réputée pour son charisme et tout le monde appréciait son travail et sa compagnie. Elle connaissait tout le monde et tout le monde la connaissait ! Disciple fervente et énergique, elle puisait sa force et son enthousiasme dans son bon cœur. Bien qu’elle n’étudiât jamais de manière stricte et formelle, sa connaissance du Dharma était très ancrée dans la vie quotidienne. Sa dévotion indéfectible pour Sa Sainteté le Dalaï Lama, Lama Yeshé et Lama Zopa Rinpoche, l’ont soutenue pendant toutes ses années où, faisant fi de ses obstacles et de ses douleurs, elle continua à traduire méticuleusement et avec une grande fidélité leurs paroles et leurs textes.

Éléa est la première personne que j’ai rencontrée en arrivant à l’Institut Vajra Yogini en 1982 lors de la visite de Lama Zopa Rinpoché. À l’époque, elle portait des gants de laine aux couleurs de l’arc-en-ciel et en avait coupé les doigts pour pouvoir taper à la machine. (Nous n’avions alors ni ordinateur ni chauffage !) Mais, sous les gants arc-en-ciel, ses doigts avaient commencé à se déformer et à lui causer d’atroces douleurs. Jour après jour, alors que son corps entier se transformait, l’infirmité gagnait peu à peu ses membres et les paralysaient. Mais Éléa avait un courage d’acier et ne laissait jamais cette maladie invalidante prendre le dessus pour l’empêcher de servir la communauté et le Dharma. Elle continua, comme si de rien n’était, à voyager en Europe, en Inde, au Népal pour suivre des enseignements, faire des retraites, et même au Tibet pour suivre Rinpoché en pèlerinage.

Bien que torturée de l’intérieur, sa lumière arc-en-ciel continuait de briller autour d’elle et illuminait sa vie. Sa souffrance devint en quelque sort le catalyseur de sa croissance spirituelle, et sa façon de l’accepter, voire de l’accueillir, révélait un cœur de bodhisattva. Son courage était pour ceux qui la côtoyaient une source d’admiration et d’inspiration.

Dans les dernières années de sa vie, elle ne pouvait plus manger, boire, se lever, faire sa toilette ou se déplacer seule. Elle avait besoin d’aide pour faire le moindre pas, avaler une bouchée de nourriture ou tourner les pages d’un livre. Une dépendance très difficile à supporter pour quelqu’un d’aussi indépendant !
Peu à peu, elle dut aussi renoncer à son travail de traductrice et de rédactrice et ne garda comme activité que la lecture assidue de ses pratiques quotidiennes. Un jour qu’elle se sentait à bout, elle me confia d’un air amusé qu’elle souhaitait revenir sous les traits d’une femme, jeune et belle, dont la pratique du Dharma profiterait immédiatement à tous ceux qui la voient. N’est-il pas étrange que l’on veuille toujours devenir ce que l’on est déjà !
Eléa était ce bodhisattva au féminin dont la beauté avait revêtu l’armure de la patience et s’était parée des autres perfections.

 

Christian Charrier, IVY, le 6 février 2022.