Michelle Ledimna a effectué une retraite personnelle de 3 semaines à l’Institut, elle nous partage son expérience.
Ma vie de château
En fait c’est grâce à Coky que l’idée d’une retraite solitaire à l’Institut a germé dans mon esprit en 2018. Nous sortions des enseignements de Rinpoché qui venait de dédier une belle somme d’argent à l’aménagement de chambres de retraite au sommet de l’aile ouest (presque Everest haha !) et j’exprimais mon étonnement. Coky alors m’a dit avoir fait une retraite solitaire de 3 mois à l’Institut dans des conditions parfaites.
Et bizarrement c’est à Osel Ling où je faisais une retraite en cette fin d’année dernière que s’est imposée l’idée de venir à Vajra Yogini, motivée d’abord par la présence de Guéshé Lodèn. Et comme il me fut attribué la chambre du 3ème étage de l’aile Est au-dessus de ses appartements, j’ai infiniment goûté sa présence et son soutien, comme portée par ses larges épaules ! Connectée aussi à tous les lamas, dont Lama Zopa Rinpoché bien sûr, qui y ont séjourné, avec cette vue fantastique sur les levers de soleil et ciels des petits matins à l’est et le stoupa au nord. Un lieu à la fois sécurisant, béni et ouvert.
Les contaminations avaient mis la pression sur tout le monde à mon arrivée et la ségrégation était de rigueur. L’ambiance des bénévoles était à la fois calme et besogneuse, tous ont été charmants : Nicolas bien sûr, Mister Directeur ; Nadine ma « référente » incroyablement efficace (et experte en écouvillons vu que le covid m’a chopée mais pas assez visiblement pour me faire virer positive !!!), Maude qui m’a porté les plateaux au 3ème, etc. La poudja du feu, officiée par Guéshéla, a comme magiquement tout nettoyé. Belle énergie, belle lumière. Ce furent 3 belles semaines que je chéris et qui me nourrissent pour un bon bout de temps je pense.
L’intérêt de faire une retraite solitaire pour un pratiquant
J’ai cumulé de nombreuses retraites solitaires ces années-covid, bizarrement mue par le raisonnement suivant : puisqu’on nous impose l’isolement, autant choisir un isolement complet et le mettre à profit.
En arrivant à Osel Ling l’automne dernier, j’ai trouvé dans ma « casita », l’ermitage, un texte de Lama Yéshé sur les retraites qui résumait tout ce qu’il y a à dire sur le sujet et j’ai eu aussitôt l’envie de le traduire pour le partager. Je vous laisse apprécier.
Je me souviens très clairement des recommandations insistantes de Lama pour faire les 3 mois de Dordjé Sempa en groupe, car c’est une pratique de purification souvent éprouvante et que, c’est l’avantage du groupe, quand l’un va mal, le voisin va mieux et l’on peut ainsi s’épauler pour arriver au terme. Lama considérait qu’on avait alors éliminé les obstacles les plus grossiers à la pratique du Dharma, les émotions et traumatismes les plus handicapants, acquis sans doute aussi une confiance et un certain savoir-faire… C’est là, le but des pratiques préliminaires.
En tout cas, c’est au bout de plusieurs retraites en groupe, que Rinpoché (Lama Zopa) m’expédia seule dans les Himalayas, à Namo Buddha d’abord pour un mois, puis à Lawudo pour 3 mois. À l’époque, aucun moyen de communication d’aucun ordre, je ne savais rien de ce qui m’attendait et personne n’était prévenu de mon arrivée. D’ailleurs, il fallait déjà y arriver, et pour Lawudo, ce n’était gagné entre glissements de terrain post-mousson, abandon d’un porteur attiré par la paye mais pas par la tâche, dysenterie amibienne, etc. Bien sûr, aucun lama à qui demander conseil alentour… C’était un peu le saut dans le vide mais je ne me souviens pas en avoir souffert. Certes, la qualité de ma méditation était piètre, j’avais des tonnes de questions et pas de réponse mais je n’ai jamais, jamais, douté du bien-fondé de la chose. C’était fin 84, Lama était mort et je m’apprêtais à rentrer en France, le Dharma s’était ancré en moi définitivement et j’ai tenu bon, bien que toujours hors contexte.
Les grands rassemblements autour de SS le Dalai Lama, Lama Zopa Rinpoché et autres, sont de grands moments de communion, de soutien, de rencontres, on se sent faire partie d’une famille, on se nourrit d’une énergie, d’une détermination, etc., on reçoit tellement, on est touché en plein cœur.
Mais le travail en profondeur, le vrai travail sur soi, organique dirait Lama, c’est dans le silence et la solitude qu’il s’opère, quand il n’y a plus d’échappatoire, plus de distractions, qu’on est face à soi-même dans sa nudité… On n’a pas d’autre choix que de chercher ses ressources à l’intérieur, d’observer ses états d’âme pour apprendre à les gérer, tirer les leçons de ses erreurs et toujours se réajuster… C’est un travail délicat et passionnant. La discipline qu’on s’impose alors favorise l’émergence d’une paix mentale et de la joie, même si bien sûr, il y a des tempêtes, des chaos, mais on apprend à les traverser avec de plus en plus de confiance. Et puis, au cœur de la solitude, les Bouddhas, bodhisattvas, gourous sont là, tellement là !
Franchement, à notre époque, où l’on est tellement décentré, toujours à chercher ailleurs, au-dehors, c’est une expérience essentielle, le plus grand cadeau que l’on puisse s’offrir. C’est la plus grande aventure, rien de plus excitant que de partir à la découverte de soi-même. Je vous souhaite donc de vous ménager ces espaces, ces grandes respirations dans un lieu porteur, déjà béni par la présence d’êtres réalisés et de méditants. N’ayez pas peur, soyez juste raisonnable, allez-y progressivement. Vive les retraites.
Michelle Ledimna, mai 2022.